Archive pour la catégorie ‘Brassage’
Paliers de température
Chaque palier a son utilité lors du brassage et une enzyme lui correspond.
Même si maintenant beaucoup de brasseries utilisent une méthode de brassage mono palier, d’autres continuent d’utiliser la technique multi paliers qui est bénéfique pour certains types de bières.
Quelques exemples de paliers de température pouvant être réalisés par dilution, decoction, brassage turbide, ou encore par chauffe directe suivant le type de bière.
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- Biere allemande: 62˚C – 70˚C – 76˚C
- Bière de blé bavaroise: 50˚C – 65˚C – 70˚C – 76˚C
- Saison: 55˚C – 62˚C – 70˚C – 76˚C
- Hefeweizen: 45˚C -55˚C – 62˚C – 70˚C – 76˚C
Phytase (30-52˚C)
La phytase est l’une des nombreuses enzymes naturellement présentes dans les céréales. À des températures de 30 à 52°C, la phytase convertit la phytine en acide phytique, abaissant ainsi le pH du moût dans une plage appropriée pour la préparation du brassage. En raison de sa sensibilité à la chaleur, la phytase n’est présente que sur les malts séchés à basse température. Le processus de conversion est lent et nécessite au moins 60 minutes pour que le pH change de façon significative. Traditionnellement, une étape de phytase était utilisée pour les malts de pilsner sous-modifiés dans des profils d’eau douce avec une faible capacité de tampon (pils tchèques). Aujourd’hui, les acides de qualité alimentaire ou le malt acidulé peuvent être utilisés à la place d’une étape de phytase.
Bêta-glucanase (35-45˚C)
Les bêta-glucanases sont des enzymes responsables de la dégradation des bêta-glucanes, des carbohydrates que l’on trouve dans la couche protéique des molécules d’amidon, qui peuvent gommer la cuve. Les plages de température actives pour les bêta-glucanases sont comprises entre 35 et 45˚C, la température optimale étant de 45°C. Les bêta-glucanes se retrouvent à des concentrations plus élevées dans les grains tels que le blé, l’avoine et le seigle et peuvent provoquer un voile s’ils ne sont pas correctement dégradés. Un bref palier de 15 minutes suffit. Dans les malts d’orge entièrement modifiés, les bêta-glucanes ne devraient pas poser de problème, mais toute bière contenant plus de 25% de céréales pourrait bénéficier de ce palier.
Acide férulique (43-45˚C)
L’acide férulique est un précurseur du 4-vinyl-guaïacol (4VG), un ester responsable des qualités analogues à celles du clou de girofle dans les bières comme les hefeweizen . Dans une plage de température étroite comprise entre 43 et 45°C, de grandes quantités d’acide férulique sont libérées. Cette étape fonctionne mieux avec un pH de maische de 5,7 à 5,8; il est donc préférable d’effectuer l’étape acide férulique avant d’acidifier le moût pour la saccharification. Un court repos de 10 minutes permettra une libération substantielle d’acide férulique.
Peptidase (45-53˚C)
La peptidase est l’une des deux enzymes protéolytiques impliquées dans le palier protéique. Elle est responsable de la segmentation des chaînes de protéines de longueur moyenne et courte. La peptidase est plus efficace dans des températures de 45 à 53°C, mais veillez à ne pas abuser de cette étape; trop peu de chaînes protéiniques de longueur moyenne peuvent laisser à votre bière un manque de corps. Un repos de 15 minutes suffit pour une rétention optimale du corps et de la mousse.
Protéinase (55-58˚C)
La protéinase est l’autre enzyme protéolytique. Semblable à la peptidase, la protéinase segmente également les chaînes de protéines, mais son objectif est de briser les chaînes de grande longueur en chaînes de longueur moyenne. C’est un processus bénéfique car il aide à éliminer le voile et l’instabilité de la bière. La plage de température optimale pour la protéinase est de 55 à 58°C et elle bénéficie d’un palier de 15 minutes.
Bêta Amylase (60-63˚C)
La bêta-amylase appartient à la famille des enzymes diastatiques. Elle attaque les extrémités des molécules d’amidon en coupant les résidus de sucre pour produire du maltose. Le maltose est hautement fermentescible par les Saccharomyces C. et le constituant principal du moût. La Beta amylase est la plus active dans la plage 60-63°C et bénéficie d’un long (plus de 45 minutes) palier pour produire du moût très fermentescible pour les bières plus sèches, comme les saisons.
Alpha Amylase (68-72˚C)
L’alpha amylase est la deuxième enzyme diastatique. Elle est responsable de la transformation des molécules d’amidon en dextrines non fermentables en attaquant des points aléatoires le long des chaînes. Les températures de repos de saccharification plus élevées (68-72°C) donnent un moût moins fermentescible, et par conséquent une bière avec plus de corps. Un court palier de 20 minutes dans une maische épaisse (2L / Kg) fera l’affaire.
Chiffres clef de quelques bières belges
Beaucoup de bières belges sont brassées avec des malts continentaux, un peu moins modifiés, avec des paliers. Oui des paliers de température !
ORVAL
Brassage
61°C pendant 15 minutes
68°C pendant 25 minutes
72°C pendant 30 minutes
77°C pendant 10 minutes avant rinçage à 77°C
IBUs: 38
Carbonatation: 5.0 volumes
CHOUFFE HOUBLON DOBBELEN IPA TRIPEL
Brassage
53°C pendant 20 minutes
63°C pendant 20 minutes
68°C pendant 10 minutes
Montée à 80°C pour le rinçage
IBUs: 53
Carbonatation: 4.3 volumes
SAISON DUPONT
Brassage
45°C puis montée graduelle jusqu’à 72°C sur plus de 90 minutes
IBUs: 32
Carbonatation: 3.5 volumes
Porters de l’ancien temps, Rodenbach et bières sures
Bien que n’ayant pas de recette originale de Porter, la Rodenbach est certainement la bière commerciale moderne qui est le plus approchant de ce que la porter de l’ancien temps devait être. En effet, il est probable que Rodenbach puise ses origines dans la tradition des Porter. La brasserie belge Rodenbach a été fondée en 1820, au cours de l’apogée du Porter, et il est bien connu que les membres de la famille Rodenbach ont étudié la brasserie à Londres. La seule différence entre la Rodenbach moderne et l’ancien Porter du début des années 1800, est que le Porter utilisait du malt fumé brun. On peut soupçonner que Rodenbach faisait de même durant le 19ème siècle.
L’ancien Porter, la Rodenbach, la Guinness Foreign Extra Stout, et quelques bières belges aigres sont un mélange de deux bières: une bière qui a vieillie longuement et très acide, et une bière jeune qui n’est pas sure. Cette technique de mélange permet de produire des bières avec un degré d’acidité plus faible, et est un moyen très économique de produire des bières sures parce que seule une fraction de la production de la bière doit être mûrie longtemps – la majeure partie du mélange est faite de bière fraîche et presque verte.
La Rodenbach est un mélange d’une bière aigre et forte de densité 1065 qui a été vieillie de 18 mois à 2 ans, et une bière plus faible, plus jeune, et non sure avec une densité d’environ 1047 qui a été vieillie seulement quatre ou cinq semaines. Les taux de houblon sont volontairement faibles afin de ne pas inhiber l’acidification par les micro-organismes. Le rapport de mélange est probablement de 10-20% de bière aigre et 80-90% de bière jeune, en fonction de l’acidité finale de la bière aigre. La bière aigre est vendue séparément sous le nom de Rodenbach Grand Cru et il est important de ne pas confondre le nom Rodenbach de la bière modérément aigre et Rodenbach Grand Cru pour la bière extrêmement aigre. Les brasseurs qui veulent faire une copie de la Rodenbach peuvent acheter du Rodenbach Grand Cru comme acidifiant et l’ajouter à leur brassin de bière maison pour environ 10%. On peut augmenter la dose si l’acidité n’est pas assez affirmée.
Cependant, faire un Grand Cru soi-même, sera beaucoup plus difficile. L’acidification provient de différentes espèces de levures sauvages telles les Brettanomyces, les Dekkera (état sexuel de Brettanomyces), de certaines bactéries acétiques et lactiques, et plusieurs autres. Selon Michael Jackson environ 20 micro-organismes sont responsables de l’acidification de la Rodenbach. Mettre la main sur les micro-organismes est relativement facile, ils sont autour de nous dans l’air et sont abondants sur l’orge et le malt.
Le problème majeur est d’imiter la légère porosité du chêne en l’absence de fûts de chêne. Cette légère porosité, aide à accroître le potentiel redox de la bière sur une longue période de temps, qui permet aux bactéries d’entrer en jeu successivement. Plus important encore, il semble très probable que les bactéries aérobies générant de l’acide acétique se logent dans le chêne et acidifient la bière depuis la surface du bois. Il doit être significatif est important de noter que tous les producteurs de ce type de bière aigre laissent maturer la bière dans des contenant de chêne. Dans ces conditions, les bactéries aérobies travaillent très lentement et c’est pourquoi il faut de dix-huit mois à deux ans pour que cette acidification prenne place. L’autre problème pour le brasseur maison est d’avoir la patience d’attendre aussi longtemps.
Pour faire fermenter un Rodenbach Grand Cru de façon conventionnelle il faut utiliser une levure de bière très atténuative, ou un mélange de plusieurs souches. Les bières Rodenbach sont pasteurisés et leur levure ne peut être cultivée. Mais la levure peut être cultivée à partir des bières Liefman car leurs levures prennent leur origine à Rodenbach. Toutefois, toute bonne levure fortement atténuative pour ales peut convenir.
Une fois la fermentation terminée, la bière peut être mise en fût et laissée à température de fermentation normale pour trois à quatre semaines. Lorsque les trois semaines sont écoulées, ouvrir le tonneau et ajouter une poignée d’orge crue. Sinon, ou en plus, soutirer une demi-pinte de bière dans un verre large et laisser à l’air libre pendant 24 heures, de préférence en plein air dans un endroit abrité de la pluie, mais pas en plein été. Ajouter au fût, refermer et laisser reposer pendant douze mois. Des cultures de Brettanomyces sont disponibles auprès de plusieurs sources, et ceux-ci peuvent être ajoutés comme assurance ou en remplacement. Une fois que vous avez réussi à faire une bière aigre, vous pouvez conserver une bouteille pour réensemencer votre prochain brassin.